“C’est en France que ma carrière a démarré” : rencontre avec Daniel Avery

Artiste singulier dans l’univers électronique, le britannique Daniel Avery a sorti au printemps son deuxième album Song For Alpha, une nouvelle manière de découvrir le travail toujours aussi brillant du compositeur qui a percé en 2013 avec le titre Drone Logic. Interrogé lors du festival Nördik Impakt, sa vision des choses est tout aussi intéressante que passionnante.


Tu as sorti un nouvel album cette année et nous avons le sentiment que tu es de plus en plus concerné par les arts visuels, comme en atteste le clip de Time Marked Its Irregular Pulse In Her Eyes. Est-ce qu’il y a un message que tu souhaites faire passer au public ?

Tous les visuels qui ont été réalisé fonctionnent de manière indépendante, afin qu’ils « vivent » indépendamment. Je n’ai pas nécessairement de message à faire passer parmi ces vidéos mais globalement l’idée est que la musique et les arts visuels se connectent et viennent d’un autre monde, qu’ils puissent vous prendre la main et vous emmener dans cet autre monde. Qu’il y ait quelque chose qui viennent d’un autre endroit.

Song For Alpha est un album vraiment puissant. Où as-tu puisé ton inspiration ?

Ça m’a pris du temps pour le produire. Drone Logic, qui est sorti en 2013, a changé toute ma vie. Je me suis toujours considéré comme quelqu’un de timide et calme, et suite à cet album ma vie a basculé, une vie bien occupée, toujours en mouvement. J’aime cette vie en mouvement mais j’aime également son opposé, des moments de calme et d’indépendance. Pour moi Song For Alpha est le refuge que j’ai créé entre mes deux mondes : il y a celui des clubs avec le public, de la lumière, du mouvement, et celui de l’introspection, où tu peux respirer, prendre du temps pour réfléchir.

J’ai pris conscience que la musique a également une vie en elle-même. Tu peux t’asseoir, respirer et laisser la musique venir en toi. C’est une des choses que j’ai voulu créer dans mon album. L’univers est beaucoup plus grand que ce qu’il se passe dans les clubs.

Quels ont été les endroits où tu as adoré jouer cette année ?

Même si certaines personnes pensent que je suis un menteur quand je dis ça, je le dis quand même : j’adore jouer en France ! C’est en France que ma carrière a démarré. Je ne sais pas pourquoi mais le public m’a toujours suivi, ce qui n’a pas été le cas au Royaume-Uni. Que ce soit au Rex Club, à Concrète, aux Nuits Sonores, c’est toujours une expérience fascinante. Mais il y a aussi d’autres endroits comme le Berghain à Berlin ou le York Hall à Londres qui sont tout aussi spéciaux. Cette année j’ai aussi apprécié jouer de longs sets, j’aime l’idée de partir de zéro pour construire quelque chose tout au long de la nuit. C’est quelque chose de très particulier de voir des gens arriver dès le début et les revoir à la fin d’un set, comme si nous avions voyagé ensemble. Je pense que ce sont mes meilleures soirées.

Discogs te liste sous les genres techno, acid, expérimental, ambient. Où te places-tu ?

Je ne sais pas. Je n’en ai aucune idée. Je fais de la musique électronique. Mon rêve serait que la musique psychédélique soit celle qui se connecte à toutes les autres, une musique qui t’emmène dans un monde de rêveries. J’aime la techno, j’aime l’acid, j’aime l’électro mais j’aime aussi l’ambient, la drone, les musiques calmes. Pour moi tout provient d’un seul et même endroit. C’est mon rêve de créer de la musique électronique psychédélique.

Tu aimes jouer dans les festivals français mais qu’est-ce qui te plaît le plus ?

Tout ! Je trouve que la scène française est très ouverte. La culture électronique française est vraiment intéressante, c’est toujours un plaisir que de pouvoir échanger avec les artistes et le public français. Je suis toujours étonné de voir des jeunes de 17 / 18 ans mélangés avec des personnes plus vieilles : il y a un vrai respect des générations en France que j’apprécie beaucoup. Par exemple les gens suivent Agoria, Miss Kittin, Jennifer Cardini … il y a plein de nouveaux artistes mais les gens suivent toujours ceux qui jouent depuis longtemps, c’est ce qu’il y a de merveilleux dans la musique électronique en France.

Tu attaches beaucoup d’importance au fait que l’ombre et la lumière ne soient jamais loin l’une de l’autre …

C’est une des caractéristiques de Song For Alpha, le fait que la lumière émerge de l’obscurité. L’espoir émerge de la peur. Il y a beaucoup d’énergies négatives en ce moment dans le monde et les clubs sont à l’inverse plein d’amour, plein d’ondes positives. Il n’y a aucune barrière car le seul langage existant est la musique. C’est une des plus belles expressions de rassemblement qui puisse exister dans le monde actuel et je suis fier de pouvoir y apporter ma lumière.

La beauté dans le mystère, c’est ce que tu recherches actuellement ?

J’y crois dur comme fer. L’idée que les choses se fassent avec le temps est très importante à mes yeux. Nous vivons dans un monde d’informations où tout le monde sait ce que tout le monde fait à chaque instant. Mais prendre le temps d’apprendre qui sont les gens, quelles sont ces musiques que nous écoutons, quels sont ces lieux que nous visitons signifie beaucoup pour moi. J’aime cette idée que les choses prennent du temps pour se faire car la récompense n’en est que plus grande. Nous sommes dans un monde qui va très vite, mais je crois au pouvoir de la patience.


Photos : Jacob Khrist

Propos recueillis par Maxime Ménard