“MON MÉTIER C’EST LA NUIT” – INTERVIEW DE CYRIL THAS

Cyril Thas

Pour mieux comprendre le choc économique qui perdure malheureusement dans le secteur événementiel, pourtant réputé booster l’offre culturelle de notre pays, nous avons fait le choix d’interroger des acteurs du milieu. Direction les Côtes d’Armor avec Cyril Thas, un indépendant qui anime la région ainsi que la Belgique depuis 10 ans avec sa structure CDJ EVENEMENTS.

Salut Cyril. Peux-tu nous présenter ton parcours professionnel et ton implication dans le milieu événementiel ?

Je m’appelle Cyril THAS, je suis DJ depuis 1997. Après avoir débuté en BAM et avoir été résident dans de gros clubs bretons, j’ai pris la route fin 2003 pour devenir DJ itinérant. En 2010 j’ai créé ma structure événementielle « CDJ EVENEMENTS ». Totalement indépendant, je gravite dans plusieurs univers : j’officie aussi bien dans les bistrots, bars ou bars de nuit, que dans les clubs pour des soirées thématiques. Sans oublier les festivals, ou pour des mariages musicaux, des soirées privées ou des séminaires d’entreprises.

Je suis à ce titre un OVNI dans le milieu, car DJ généraliste avant tout, même si mes influences sont pop-rock au départ, et très électroniques. J’avais d’ailleurs travaillé des productions dans ce domaine avec mon compère Laurent Paranthoën aka Commuter.

J’ai toujours eu un rayon d’action assez large. J’ai travaillé un peu partout dans l’Ouest, en Normandie, sur la côte Atlantique, à Paris, et aussi en Belgique où j’ai toujours de nombreuses attaches en région Wallonne.

Pour vivre de ce métier toute l’année en Bretagne il faut savoir être un vrai « couteau Suisse ». J’ai donc plusieurs casquettes : DJ bien entendu, mais surtout entrepreneur prêt à faire le lien avec de nombreux prestataires.

Depuis les mesures de confinement ton quotidien a du considérablement changer. Comment vis-tu l’arrêt de ton activité depuis la mi-mars ?

Le 14 Mars, un samedi, je travaillais avec des restrictions déjà, dans de petits établissements (capacité de moins de 100 personnes). Le glas a sonné le 15 Mars à minuit.

Evidemment, passé une première phase de « sidération », il a fallu se retrousser les manches. Dans un premier temps il a fallu gérer les inquiétudes des clients. Puis commencer les reports, et le plus difficile : les annulations. Cette année j’avais beaucoup de clients étrangers qui avaient prévu des soirées dans l’Ouest. Nous avons fait le choix avec les différents intervenants de rembourser ceux qui ne pouvaient pas se rendre en France. Les soirées en clubs ont toutes été annulées. Les prestations en festival également, notamment le gros morceau en Côtes d’Armor, le Off du festival Art Rock. Les reports ont pris beaucoup de temps, au gré des annonces gouvernementales.

En parallèle, et pour garder le lien avec les clients et ceux qui me suivent, j’ai organisé 23 lives d’une heure sur Facebook (à visionner via la page Facebook de Cyril via le lien en bas de cet article, ndlr), avec une thématique à chaque fois différente. Les thèmes ont été divers et variés, allant du Rock 60’s en hommage à la mort du fondateur de Radio Caroline Ronan O’Rahilly, à la techno et trance belge, en passant par des sets actuels ou 80’s. Je me suis fait plaisir, avec pour seul objectif de partager des pépites et de souligner certains thèmes.

Dès le déconfinement limité à 100 kms, j’ai eu la chance de disposer d’un site extraordinaire et emblématique à Saint Lunaire (35) pour y réaliser un premier live extérieur plutôt house. C’est dans le cadre idyllique de LA CHAUMIERE que j’ai pu officier (c’est la vidéo de notre article, ndlr) .

D’autres projets plus compliqués sont actuellement en cours de finalisation, vous devriez entendre parler de moi en Bretagne au mois de Juillet, c’et prévu, je n’en dis pas plus, mais tu pourras revenir m’interviewer !

Quel est ton état d’esprit suite aux décisions prises le week-end dernier concernant une probable réouverture des discothèques en septembre ?

J’ai appris la nouvelle à Rennes dans la nuit de vendredi 19 à Samedi 20 Juin. J’étais parti voir comment les bars de nuit fonctionnaient, je sortais de la Prison Saint-Michel.

Vu de France tout le monde s’attendait à rouvrir dès Juillet. Seuls quelques rares responsables comme Sébastien Betin du 1988 Live Club de Rennes s’accordaient sur Septembre. Vu de l’extérieur et notamment de Belgique où j’ai des amis, il semblait déjà clair que ce serait plus tard. Je m’y étais préparé.

Comme je le disais plus haut, je n’officie pas qu’en club, c’est une partie de mon activité. Cette fermeture des discothèques jusqu’à Septembre est cependant un gros problème pour moi : c’est un indicateur. La règle est l’impossibilité d’être debout, de se regrouper et de danser. Compréhensible par rapport à la situation sanitaire, mais évidemment catastrophique pour ma profession ! Ca impacte tous les types de soirées, nous ne pouvons officier qu’en « mix lounge » ce qui est quand même extrêmement frustrant. Car la base du métier est le partage d’énergie avec le public. Je crois que c’est ça le plus difficile : ne plus avoir d’interaction. Depuis mes débuts, je n’ai jamais passé de période si longue sans le contact du public.

Comment vois-tu l’avenir de ton entreprise ?

Alors ça c’est une bonne question ! A ce jour, je n’ai aucune visibilité, je ne sais même pas quand je pourrai retravailler « normalement ». Mon planning est annulé ou reporté jusqu’à mi Septembre.

En ce moment je vais voir les clients, je gère ce qui a été calé avant le 14 Mars, je prépare des projets de communication. Mais tant que nous n’aurons pas une échéance claire, même si c’est Janvier 2021, personne ne se risquera à retravailler des plannings cohérents. Je suis d’autant plus inquiet que 2021 sera consacré aux reports, et que je n’envisage pas un retour à la normale avant 2022… C’est long, très long.

Le présent n’est pas trop à la fête dans le milieu… Mais on a toujours besoin de se divertir, et un jour, après la crise, les beaux jours reviendront. J’en suis persuadé.

Merci à Cyril Thas pour cette interview en rapport avec la crise du secteur événementiel suite à l’épidémie de COVID-19 dans le monde. Vous pouvez suivre son actualité sur les différents liens situés en bas de page.

Retrouvez les mixes de Cyril Thas sur son compte Soundcloud

 



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Photo : © Cyril Thas