Une biscuiterie reconvertie
Tout au long du XXe siècle, on y fabriquait des Petit-Beurre et des Paille d’Or. Aujourd’hui, le bâtiment, flanqué de sa tour de 35 mètres, abrite le lieu unique. L’annexe Ferdinand-Favre est l’une des dernières empreintes architecturales des usines LU, un empire industriel érigé en 1886 par une dynastie de pâtissiers, les Lefèvre-Utile.
La démolition du site LU débute en 1974 ; elle n’épargne qu’une tour décapitée et l’annexe Ferdinand-Favre… qui se découvre vite une nouvelle vocation. Les grands espaces désaffectés s’offrent aux besoins de chacun : l’ancienne biscuiterie devient squat culturel. En 1994, elle accueille la quatrième édition du festival Les Allumées. Porté par le CRDC (Centre de Recherche pour le Développement Culturel), scène nationale (et nomade) de Nantes, ce festival accueille pendant six nuits des artistes de grandes villes du monde : Barcelone, Saint-Pétersbourg, Buenos-Aires, Naples, Le Caire… À cette occasion, métamorphosée en un véritable “souk”, la friche revivra durant plusieurs nuits dans l’atmosphère chaude d’Egypte.
L’inauguration d’un lieu unique
Jean Blaise, directeur du CRDC, souhaite s’installer durablement sur le site. Il soumet un projet culturel à Jean-Marc Ayrault, le maire de Nantes : il s’agit de créer un lieu où la vie côtoie spontanément l’art, dans ses formes les plus contemporaines, voire “dérangeantes”. Provoquer la rencontre, le frottement des genres, redonner au lieu sa dimension poétique et conviviale, pousser à la curiosité. Inclure des espaces de services (bar, restaurant, librairie, crèche, hammam). Telles sont les aspirations des futurs occupants de l’usine.
Convaincue, la ville rachète l’annexe Ferdinand-Favre en 1995. Déclarée site protégé, la friche industrielle échappe de justesse à la démolition et accueille de nouvelles manifestations culturelles du CRDC comme Trafics : Marché de l’art et trafic de spectacles en juin 1996, Cuisines et Performances en juin 1997, et Fin de Siècle : Johannesburg en octobre 1997 ou New York en 1998. La tour LU est reconstruite, l’usine est réhabilitée par Patrick Bouchain dans le respect de l’identité industrielle du site. Il en résulte une alchimie particulière, issue du mélange architectural de l’ancien et du nouveau. Le lieu unique, en vertu de sa configuration et de son esthétique, apparaît comme un espace alternatif mêlant les arts aux espaces sociaux.
Jean Blaise et toute son équipe inaugurent le lieu unique le 30 décembre 1999 lors du festival Fin de Siècle à Nantes. Cette ouverture est d’abord placée sous le signe du Grenier du Siècle : une double paroi extérieure est conçue par Patrick Bouchain pour recevoir une importante collection d’objets hétéroclites, dons de la population.
“Mis en conserve” dans des boîtes en métal, ils vont séjourner un siècle entier dans le Grenier, qui ne s’ouvrira que le premier janvier 2100 à 17h précises. Photo, poupée, lettre d’amour, téléphone portable, vieille TSF : les objets de 11 855 citoyens sont ainsi scellés, contribuant à l’élaboration d’une mémoire géante pour les générations futures.