INTERVIEW : JORAN, PROGRAMMATEUR DU FESTIVAL PANORAMAS

Festival Panoramas

À quelques jours de la vingtième édition du Festival Panoramas, nous avons pu échanger avec Joran Le Corre, programmateur et tourneur de l’agence Wart, à l’origine de la percée de l’événement sur la carte événementielle de France.

Nous sommes à quelques semaines de la vingtième édition du festival, quel est ton état d’esprit ?

Je suis plutôt serein. J’ai le sentiment que l’équipe l’est également : avec les années passées nous arrivons à une forme de maturité où nous savons mettre les choses à plat et avancer sans rien oublier, notamment pour l’aménagement du parc expo. Il y a pas mal de choses nouvelles au niveau de la déco et de la lumière pour cette édition 2017. La billetterie marche très bien et ça c’est vraiment bien parce que c’est quand même le nerf de la guerre !

Le pays de Morlaix accueille donc la musique électronique depuis deux décennies. Est-ce que tu t’attendais à ce que Panoramas aille aussi loin ?

On ne s’y attendait pas du tout parce que le festival est né de manière hyper modeste par une équipe de copains du lycée. Au tout début c’était des groupes locaux que l’on programmait dans les bars, à l’époque l’entrée était en franc. Ensuite la deuxième édition a vu venir des groupes régionaux avec une tête d’affiche nationale qui était Sloy, qu’on a fait venir au club Coatelan. On n’aurait jamais pu imaginer que ça allait ensuite devenir notre métier et que Wart embaucherait une dizaine de personnes plusieurs années après. C’est toujours difficile de prévoir parce que tu vis dans une ville de moins de 15.000 habitants, le festival se déroule dans une salle et non l’été, qui plus est le camping à disposition (plus de 6000 places, ndlr) est complet alors que les nuits peuvent être fraîches.

Tu ne peux pas savoir que le public adhère à une proposition artistique comme celle-ci ; il y a un cependant un réel attachement au festival, on le sent nettement sur les réseaux sociaux parce qu’on communique beaucoup avec les gens. On a un public jeune mais qui se renouvelle, c’est très précieux pour un festival.

Comment Wart a démarré ?

J’ai toujours eu le goût de l’organisation. Quand j’étais plus jeune j’organisais des soirées avec un cousin dans les Monts d’Arrée, on programmait du rock, du hardcore et de la musique électronique. J’ai ensuite emménagé à Morlaix et j’ai fait la rencontre des frères Pierres, Eddy et Lionel, qui m’ont proposé de travailler sur un événement qui s’intitulait Wart 00. Celui-ci devait avoir lieu dans un ancien transformateur EDF mais la sous-préfecture l’a annulé parce que nous n’étions pas une organisation structurée. Suite à cette annulation nous avons donc créé l’association Wart en souvenir de cette soirée avortée et ainsi démarré l’aventure Panoramas : on est passé du franc à l’euro, du centre-ville au parc expo, d’une scène à trois scènes, d’une programmation locale à une programmation internationale. Ça a mis du temps avant d’être ce que c’est aujourd’hui.

Combien de personnes sont impliquées dans le festival Panoramas ?

Au tout départ nous étions 4 copains, dont les frères Pierres (Lionel fait partie de Fortune et Abstrackt Keal Agram, groupe né sur le festival et déclencheur de l’activité de tourneur de l’agence Wart, ndlr). Eddy était le booker principal et moi je m’occupais du label de Rodolphe Burger, mais quand celui-ci a décliné j’ai rejoint Eddy. Aujourd’hui nous sommes une dizaine de permanents, entre 600 et 700 bénévoles, sans compter les techniciens, les coordinateurs … On est une grosse équipe.

Le lien entre artistes émergents et têtes d’affiche de référence est fort pour cette vingtième édition, comment as-tu travaillé cette ligne artistique ?

Panoramas n’est pas retranché dans un genre précis. On est ouvert à tout le spectre de la musique électronique, on n’a pas d’identité techno comme à Astropolis ou aux Nuits Sonores. On va du hardcore d’Anger Fist à la trance avec Infected Mushroom, à une techno plus dure avec Manu Le Malin jusqu’à une techno minimale avec Boris Brejcha. Cette année on passe de Mind Against à Animal & Me, de Comah à Michael Mayer. On a un côté pop aussi avec Mome et cette patte assez large de la musique électronique c’est ce qui caractérise au mieux le festival.

20 ans de Panoramas, qu’est-ce que tu retiens ?

Panoramas c’est une aventure humaine qui continue avec sensiblement la même équipe depuis ses débuts : c’est vraiment super de pouvoir faire ça dans une ville comme Morlaix, car même si nous avons depuis peu une antenne Wart à Paris pour notre activité de tourneur, qui représente une grosse partie de notre travail, tout part de Morlaix et ça c’est vraiment agréable. C’est une vraie fierté parce que fêter les 20 ans d’un festival ça n’est pas donné à tout le monde.

Quels sont les artistes avec qui tu as passé de bons et de mauvais moments ?

Il y a plein de bons artistes … Je pense au passage de Justice au club Coatelan avant que le projet n’explose, un club blindé un dimanche en soir en pleine campagne c’est quelque chose d’assez incroyable … Je pense à Alain Bashung accueilli pour deux concerts au théâtre de Morlaix, toutes les années de galère aussi avec notre équipe toujours soudée qui nous a fait avancer et ça, ça fait vraiment plaisir. Le set de Daniel Avery nous a tous marqué, le premier concert de Fauve, le premier passage de Brejcha, de N’To et Worakls, Tale of Us sur la grande scène … Il y a beaucoup de beaux moments mais je pense aussi à un petit couac avec Pendulum, je n’avais pas pu les accueillir comme eux s’attendaient peut-être à ce que je le fasse, je n’étais pas dans les loges au moment où ils sont arrivés. Ils ont très mal réagi, mea culpa, c’est la seule fois où c’est arrivé.

Des petites surprises pour cette édition anniversaire ?

Il y a les Panoramiques, des concerts pour une cinquantaine de personnes maximum, mais aussi des projets artistiques qui font plaisir : je pense à la reformation d’Abstrackt Keal Agram dans un endroit tenu secret. Il y a toujours des surprises qu’on ne peut pas prévoir et qui peuvent provenir des festivaliers mais aussi des guests.

Quelles sont tes bonnes adresses pour sortir pendant Panoramas ?

Déjà il faut aller manger une crêpe à l’ Atypik Bilik, il y en a une au foie gras qui est à tomber par terre, et ensuite prendre l’apéro au Tempo (vue sur le port et sur le lieu de notre futur projet) et au Ty Coz.

Votre futur projet ? Qu’est-ce qui se trame chez Wart ?

Ça fait dix ans qu’on planche sur le Sew. C’est le projet majeur de Wart qui devrait sortir de terre d’ici deux ans. Il est situé dans la manufacture de tabac et ce lieu de création va accueillir un restaurant, une salle pluridisciplinaire de 800 places (danse-théâtre-musique) ainsi que trois écrans de cinéma.

As-tu un message à adresser aux festivaliers ?

Restez-vous même, déguisez-vous, ne changez rien ! Voir des jeunes faire des bornes pour venir au festival ça fait chaud au cœur !

Le site officiel du Festival Panoramas